Au cours de gym, leur cancer n’est pas tabou
Chaque jeudi, la Ligue propose un cours de gymnastique adaptée dans la salle de muscu de l’X’eau. On y vient pour se remettre sur pied… Et papoter.
“Moi? Je suis presque illégitime à venir! J’ai eu le plus ridicule des cancers. Celui du sein. Et je n’ai même pas fait de chimio.” Au cours de gym adaptée proposé chaque jeudi par la Ligue contre le cancer dans la salle de muscu de l’X’eau, Nicole, 71 ans, fait figure de boute-en-train. C’est aussi celle qui suit les séances de Pierre Roux, l’éducateur sportif, depuis le plus longtemps. Sept ans qu’elle est là, toutes les semaines… Davantage pour papoter que pour s’activer. « Je suis en rémission depuis un an. S’il y avait cinquante personnes qui attendaient derrière la porte, je laisserais ma place mais ce n’est pas le cas. » Alors elle profite encore des liens qu’elle a tissés ici. Précieux, de l’avis de chacune des participantes. « Quand je suis arrivée ici, je me suis dit que je ne parlerais à personne. Que ce cancer du sein, c’était mon problème à moi », dit Florence, Segonzacaise de 55 ans, opérée en juillet 2018. Ça n’a pas tenu longtemps. Sur le tapis de course ou les vélos elliptiques, les langues ont tendance à se délier rapidement. « On échange, on se rassure. Quand j’étais en chimio, il y avait une fille dont les cheveux commençaient à repousser, ça m’a donné du courage », glisse Corine, 59 ans, installée à Javrezac. « Ici, j’ai pu être chauve devant les autres, sans être gênée », ajoute-t-elle. Nicole, la doyenne, confirme: « Les premières séances, les filles portent des bandeaux. Mais elles les enlèvent vite. »
Retrouver amplitude, force et autonomie
Pour autant, on ne vient pas au cours de gym pour parler du cancer. Pas question que ce soit « morbide », dit Pierre Roux, l’éducateur de la gym volontaire, qui veille à ce que l’ambiance soit la meilleure possible. Et que chacune – ce n’est pas réservé aux femmes, mais peu d’hommes franchissent le pas – y trouve son compte. « Ces cours permettent de retrouver de l’amplitude, de la force. Souvent, de l’autonomie. Et il y a moins de risque de récidive quand on fait du sport », observe le coach, qui intervient aussi à La Couronne et en milieu rural. À Criteuil, notamment. « On est en confiance. S’il nous dit que ces mouvements sont bons pour nous, on y va », glisse Corine, tandis que Martine lève les bras en l’air. Un mouvement qu’elle ne pouvait plus faire après son cancer du sein bilatéral et la reconstruction mammaire qui a suivi. « Maintenant, je vais même au cours d’aquagym », dit celle qui a attendu 48 ans et la découverte de sa maladie pour se « mettre au sport ». « J’avais besoin de me réapproprier mon corps. J’ai repris du muscle, du poids », se réjouit Christelle 55 ans, la petite nouvelle. Il y a quatre mois, elle a « failli y passer » à cause d’un cancer de la moelle osseuse. « Je n’avais plus la force de marcher, j’avais le corps d’une femme de 80 ans », confie-t-elle sur le rameur. 80 ans, c’est l’âge véritable de Myriam, « en suivi depuis 2016 » après quatre cancers. Une battante qui s’apprête à partir en voyage en Asie, seule avec son sac à dos pour quatre mois. Des battantes, elles le sont toutes. Nadine, 60 ans, également. Il y a sept années, les médecins disaient à son mari qu’elle n’avait plus que trois mois à vivre. Elle est toujours là. « Pierre y est pour beaucoup, assure-t-elle devant l’éducateur. Ces cours, ça nous aide beaucoup physiquement et moralement. Ça nous permet de ne pas rester dans le fond du canapé. »